Les grands hivers du XIXème siècle et la photographie
En guise de préambule, voici le plus ancien "cliché" que j'ai à vous présenter sur les humeurs du temps... Il s'agit de la fontaine du Château d'eau gelée place de la République, en 1842 !!! C'est un daguerréotype, premier procédé connu qui a permis de fixer une scène sans l'intervention de la main humaine... Une révolution !!! Cette invention marque les débuts de la civilisation de l'image...
Cette fontaine existe toujours !!! Déplacée en 1880, vous la retrouverez sur l'actuelle place Félix Eboué, anciennement Daumesnil...
Autres raretés, voici les moulins de la butte Montmartre, un jour de neige de 1853...
... et ce promeneur solitaire en 1870 !!!
L'hiver est alors une saison redoutée !!! Sur cette allégorie, la saison froide chemine avec son lot de pluie, de vent, de brouillard et de froid, accompagnée d'un cortège de besogneux et de miséreux...
En décembre 1879, la France vient de connaître l'une de ses plus intenses vagues de froid !!! Ces températures minimales atteintes en témoignent...
Voici deux photos de cet hiver mémorable... Près de Pigalle, une unique vue de l'impasse Frochot le 18 décembre 1879 illustre à merveille un Paris désert, enneigé et glacé !!!
Fin janvier 1880, le lac de Neuchâtel est toujours couvert de glace...
HIVER 1880-1881
Après un Noël d'une grande douceur, avec plus de 15° dans le Sud-Ouest, le froid lance déjà son offensive à l'aube de la nouvelle année 1881 !!! Le 10 janvier, la maximale plafonne à -4.5° à Bordeaux !!! C'est alors qu'une dépression qui circule en Manche entraîne dans son sillage un air doux et humide... En se heurtant à la résistance de l'air froid, de nombreux phénomènes glissants se déclenchent !!! Montmartre est dans la tourmente blanche...
Ce "redoux" est passager puisque l'air froid en embuscade regagne le territoire dès le lendemain !!! Le 16 janvier 1881, il fait -16.2° à Bordeaux... Dans le nord de l'Angleterre, deux promeneurs admirent cette imposante colonne de glace !!! Les chutes de Hardraw, qui se répandent d'ordinaire en fracas et en gerbes d'eau, sont silencieuses et pétrifiées...
Sous le pont de Putney, en amont de Londres, la Tamise se soumet à son tour aux rigueurs de l'hiver !!!
Ces gentlemen, hauts-de-forme et barbes impeccables selon la mode du moment, semblent apprécier le spectacle...
Après le froid, la neige !!! Du 17 au 21 janvier, l'Angleterre est balayée par un véritable blizzard...
On y mesure parfois plus de 30 cm (zone blanche)...
... et jusqu'à un mètre d'épaisseur dans l'île de Wight !!!
Mais le blocage anticyclonique se rétablit et avec lui un flux de nord-est persistant sur toute l'Europe...
Le 25 janvier, on relève -11.4° à Paris !!! Ainsi, la neige persiste... Pour dégager les rues et les boulevards, on inaugure un nouveau procédé !!! C'est une herse munie de balais tirée par des chevaux... L'ancêtre du chasse-neige !!!
Une dépression atlantique va mettre fin à cette période froide et provoquer un redoux aussi brutal que spectaculaire !!!
Dans un virulent flux de sud-ouest, les températures s'envolent !!! A Toulouse, du 24 au 25 janvier, on passe de -6° à 11°... Soit un gain de 17° en l'espace de 24 heures !!!
Voici la carte des masses d'air à 1500 mètres d'altitude en date du 28 janvier 1881...
Le 29, le thermomètre frôle les 20° à Bordeaux !!! Soit une amplitude mensuelle de 36° pour la capitale girondine...
HIVER 1890-1891
Il est caractérisé par sa longueur, de la fin novembre à la fin janvier... La transition entre la douceur automnale et les rigueurs hivernales est particulièrement soudaine !!! Le 24 novembre 1890, Paris enregistre une température minimale de 10,5°... 4 jours plus tard, le 28 novembre, il fait -14° le matin, et guère plus de -5,1° dans la journée !!! La température la plus basse enregistrée au cours d'un mois de novembre depuis 1788...
Le 24 novembre 1890, Paris enregistre une température minimale de 10,5°... 4 jours plus tard, le 28 novembre, il fait -14° le matin, et guère plus de -5,1° dans la journée !!! La température la plus basse enregistrée au cours d'un mois de novembre depuis 1788...
Dans la foulée, décembre 1890 est glacial et très sec... La moyenne mensuelle est de -3°3 à Paris et les précipitations mensuelles de 11 mm à Lyon !!! Sous les arches du nouveau pont de pierre de Putney, la Tamise commence à charrier des glaces...
Le 15 décembre, on relève -13,1° dans la Capitale !!! Les fontaines de la place de la Concorde ajoutent quelques stalactites à leur parure...
Et Valréas se couvre d'un blanc manteau !!!
Un anticyclone scandinave est complice de ces frimas...
Bordeaux connaît un Noël sans dégel... Le 30 décembre, il ne fait pas plus de -6° à Paris !!!
Janvier 1891 est dans la même veine... La moyenne mensuelle est de -3°4 à Lyon, et il n'y tombe pas plus de 22 mm !!! Après un bref redoux en début de mois, une nouvelle vague de froid déferle sur l'Europe à partir du 9 janvier !!! La Seine commence alors à se couvrir de glace...
Vous remarquerez ici les anciennes écluses en aval du Pont-Neuf !!!
"Le fleuve, incomplètement gelé, a d'abord offert le spectacle désolant du désert froid sous le ciel monotone et gris : plus de navigation, plus de mouvements sur les berges... Un instant, on eût cru la grande ville abandonnée à la suite de quelques catastrophes cosmiques imprévues. Mais avec la continuité du froid, la Seine ne tardait pas à se prendre et la vie renaissait sur ses bords. Le parisien est si curieux que même le plus affairé sait trouver le temps d'assister du haut d'un pont au spectacle d'une rivière immobilisée entre ses rives !!!".
A partir du 11 janvier, l'embâcle est total !!! Au loin, on devine dans les brumes glacées la silhouette familière de Notre-Dame...
Le vaste anticyclone sur le proche Atlantique est solide !!! Le blocage du flux océanique et l'alimentation en air arctique se poursuivent...
"Et voilà que le paysage morne naguère s'anime et s'éveille !!! C'est d'abord le plaisir de passer le fleuve sur la glace, afin de pouvoir dire plus tard avec un légitime orgueil : "Vous rappelez-vous l'année où nous avons traversé la Seine à pied sec ?". A Bercy, d'un bord à l'autre, c'est un perpétuel va-et-vient. Les gamins, comme toujours en nombre, s'aventurent les premiers, craintifs d'abord puis plus hardis... et leur exemple entraîne les autres !!!
"Mais en prévision d'accident possible, la Préfecture de police a fait afficher l'ordonnance interdisant "le passage et les glissades sur la Seine, la Marne et les canaux." Des agents sont postés sur les berges et la foule regagne peu à peu les quais...".
Emmitouflée, la "Maréchaussée" veille !!! L'air goguenard...
En longue procession, les allemands franchissent le Rhin...
Le 17 janvier, le froid s'intensifie de nouveau !!!
Voici la carte des masses d'air à 1500 mètres d'altitude le 18...
... et les températures minimales les plus basses relevées ce même jour :
-11° à Perpignan et -12° à Sète ;
-15° à Vitoria en Espagne et -18° à Troyes, Reims, Lyon, Nevers, Le Puy, Verdun, Vichy et Hambourg en Allemagne ;
-20° à Saint-Etienne, Périgueux, Lons-le-Saunier et Montluçon !!!
... puis le 19 janvier 1891 :
-8° à Toulon et -9° à Marseille ;
-17° à Dijon et -26° à Epinal.
A Oxford, on circule désormais sur la Tamise en voiture à cheval !!! Les bourgeois en calèche, le Peuple à pied...
Le pont de Kingston est désormais presque inutile...
En Mer du Nord, la plage de cette station balnéaire est méconnaissable !!! Devant les villas cossues s'étale une banquise chaotique...
A Amsterdam, le traîneau est devenu le moyen de transport le plus fiable !!!
Dans l'Hexagone, le port de La Rochelle est en partie gelé, ce qui ne c'était plus vu depuis 60 ans !!! Tout comme le bassin d'Arcachon...
La Seine est totalement prise !!!
Le lac d'Annecy n'est plus qu'une immense patinoire !!! Jusqu'au 13 mars 1891, il connaît sa dernière "glaciation"... Un fait qui ne s'est produit qu'en 1573, 1684, 1830 et 1880 !!! Des restaurateurs de la rive gauche vont à cheval chercher du vin chez les viticulteurs de Talloires...
La bise glaciale arrive même à bout du lac Léman !!! La jetée aux eaux vives porte désormais bien mal son nom...
... et la rade de Genève est gelée !!!
Non de loin de là, la ville de Zurich s'est donnée rendez-vous sur son lac !!!
Et tous les moyens sont bons pour en profiter...
Après quelques glissades, on peut même s'y désaltérer dans des buvettes ambulantes !!!
Tout comme à Genève, la célèbre "flotte suisse" est prisonnière des glaces...
Sur sa lancée, l'air froid poursuit sa course au-delà de la Méditerranée !!! Fait rarissime, la place du Gouvernement à Alger se couvre de blanc... Et Sétif se réveille avec une température de -13° !!!
La débâcle de la Seine intervient à partir du 24 janvier 1891... Dans le Nord, le sol est gelé jusqu'à 90 centimètres de profondeur !!! En Languedoc, de nombreuses vignes ont leurs souches éclatées par le gel... Les semences de blé et d'avoine ont beaucoup soufferts, notamment en l'absence d'une couche de neige protectrice... Les gels et dégels de février et mars achèveront leur destruction !!! Dans le sud de l'Angleterre, un dernier blizzard fait dérailler cette locomotive...
On dénombre, d'après la presse de l'époque, une centaine de victimes rien qu'en France !!! Dont ces deux petits ramoneurs... Un chiffre certainement sous-estimé !!!
Pour illustrer l'arrivée soudaine du froid fin novembre et sa persistance jusqu'en mars, voici le graphique des températures d'Utrecht en Hollande pour ce rude hiver !!!
Comme souvent en pareille circonstance, la froidure des uns fait la clémence des autres !!! C'est ainsi que l'Islande connaît un hiver exceptionnellement doux...
HIVER 1892-1893
Dès le 30 décembre 1892, la Seine commence à charrier des glaces !!! A Bordeaux, le Nouvel An est sans dégel... Et le mois de janvier 1893 est glacial !!! La moyenne mensuelle est de -3.3° à Lyon... Vous connaissez la chanson... On retrouve un anticyclone russo-scandinave et une dépression méditerranéenne !!! Et entre les deux, un flux d'est à nord-est continental...
Le premier de l'An, il fait entre -12° et -5° à Châteauroux !!! Voici la cartes des masse d'air à 1500 mètres le 3 janvier...
Les fontaines, ici celle de la place du Châtelet, sont les premières à succomber...
Le 14 janvier, une tourmente neigeuse donnant 30 cm à Châtillon sur Seine...
Le 18 est une journée glaciale avec -25.8° à Limoges, -24° à Gillancourt, -21° à Châteauroux et -13.6° à Paris !!! Ci-dessous, le quai de Grenelle présente encore un visage industriel... La jeune Tour Eiffel a 4 ans !!! A ses pieds, la Seine est couverte de glace...
Au Bois de Boulogne, c'est l'affluence des grands jours !!!
Devant le Palais du Luxembourg, on vient également profiter des joies de l'hiver...
... d'autant que les gelées sont intenses jusqu'au 25 janvier !!!
Au nord de la France, le froid et l'insouciance de certains... au sud, la neige et le drame des quelques autres !!!
Voici les températures minimales relevées durant ce mois :
-10° à Montpellier et Toulouse ; -11° à Nantes ;
-12° à Agen et Le Mans ; -14° à Montauban et Saint-Lô ;
-17° à Tulle et Paris ; -18° à Blois et Auxerre; -19° à Bourges, Melun et Lyon ;
-21° à Besançon ; -22° à Nancy ; -24° à Troyes et Châteauroux ; -25° à Belfort et Vesoul ; -26° à Chaumont et Limoges ; -27° au Puy ; -30° à Langres...
... enfin un remarquable -31° à Auberive en Haute-Marne, où la terre est gelée jusqu'à un mètre de profondeur !!!
Une dépression atlantique engendre un flux de sud-ouest doux et humide, et met un terme à ces températures glaciales...
On fête Carnaval et l'arrivée du printemps avec d'autant plus d'enthousiasme !!!
Au cours de cet autre hiver rigoureux, le froid va s'intensifier au fil du temps en connaissant son paroxysme en février 1895, le plus froid à Paris depuis 1740 !!! Les moyennes mensuelles de Lyon sont de 2.1° en décembre, -1.4° en janvier et -4.2° en février... A Strasbourg, la moyenne des 3 mois d'hiver s'établit à -3° !!! Et à Paris, on compte 17 jours de températures inférieures à -10°...
Janvier 1895 est neigeux, avec une succession de coups de froid et de redoux !!! Au début du mois, un virulent flux de nord se met en place...
Avec une telle configuration, les chutes de neiges sont particulièrement abondantes en montagne, notamment dans les Pyrénées : "Depuis quelques jours, la neige tombe presque sans interruption sur toute la région. Dans les hauts cantons de l'Ariège, la couche de neige est si épaisse que les communications sont absolument interrompues. On nous dit qu'un militaire venu en permission pour voir sa famille, a été forcé de rétrograder sans avoir pu arriver jusque chez lui...".
A Tarascon, cette locomotive à vapeur a bien du mal à franchir la gare !!! Et déjà, des coulées sont visibles en arrière plan...
"100 hommes de troupe de la garnison de Foix sont partis ce matin par le train pour Tarascon où sera formé un train de travaux pour aller faire une tentative de déblaiement de la voie ferrée. Deux chasse-neige et quatre machines de renfort sont en effet bloquées vers Luzenac..."
Le 3 janvier, de terribles avalanches se déclenchent !!! Elles font une vingtaine de victimes et marquent profondément les esprits de l'époque : "On a enfin des détails complets sur l'effroyable catastrophe qui s'est produite jeudi dernier au village d'Orlu vers 1h de l'après-midi: une avalanche de neige se détacha de la montagne et descendit avec une rapidité vertigineuse. Tout ce qui se trouvait sur son passage fut saccagé. Quatre maisons furent emportées et beaucoup d'autres endommagées. Une part du village fut détruite par les flammes communiquées aux décombres. 15 personnes ont été tuées et 8 blessées. Les morts gisent pêle-mêle au milieu des décombres fumants. Les habitants épouvantés ont immédiatement fui leurs demeures en abandonnant cadavres et bétail pour n'emporter que quelques vêtements, sans songer à secourir les malheureux engloutis sous la neige. Un seul a pu être retiré..."
"Samedi, la nouvelle du désastre fut connue à Ax. Le Maire en informa immédiatement la Préfecture. La Gendarmerie, la Douane, les agents forestiers et une partie de la population se mirent aussitôt en route pour faire un passage et permettre aux habitants de se rendre à Ax où tout était prêt pour les recevoir. Des villages voisins, les émigrants arrivent, apportant ce qu'ils ont de plus précieux. L'hôpital est plein. On distribue des billets de logement aux arrivants. Mais les vivres manquent, tout comme l'eau qu'on obtient en faisant fondre la neige. L'aspect de la ville est lamentable, enfouie qu'elle est sous 3 mètres de neige. Beaucoup de maisons sont effondrées et d'autres menacent ruine. Les propriétaires font étayer les toits. Les rues étroites sont même transformées en tunnels. De mémoire d'homme on n'avait vu pareil désastre dans le pays. Les bergeries situées sur le flanc des montagnes ont disparu avec les troupeaux. Toutes les communications entre les villages sont impossibles. Les fils télégraphiques sont emportés. C'est un pays isolé, où il ne parvient ni dépêches, ni lettres, ni aliments...".
Dans les montagnes peuplées de cette fin du 19ème siècle, on a clairement identifié la cause de ces catastrophes à répétition : "Tout le terrain conquis sur la forêt a été acquis à la prairie qui, lentement, sûrement, patiemment, a envahi la montagne jusqu'à la cime. La montagne déboisée, la neige amoncelée peut librement glisser sur la pente nue, ne trouvant plus aucun obstacle pour l'arrêter dans sa course désastreuse... Il est donc indispensable de procéder au reboisement !!!"
Soudain, le 20 janvier, dans un flux de sud-ouest, il fait 13.5° à Paris et 17° à Châteauroux !!!
Une douceur de courte durée !!! Des tourmentes neigeuses s'abattent à nouveau de l'Angleterre à la Normandie...
Comme les britanniques, les habitants de Lisieux dégagent la place Thiers de son blanc manteau...
C'est alors que le grand froid lance une offensive d'envergure !!! Au Nord de l'Europe, une ceinture anticyclonique de la Sibérie à la Scandinavie, et au sud, une vaste dépression en Méditerranée... Entre les deux, c'est un "Moscou-Paris" d'anthologie !!! En ce 30 janvier 1895, la température chute à -13° à Châteauroux pour plafonner à -5° au "meilleur" de la journée...
A Nice, la promenade des Anglais offre son visage insolite des grands hivers historiques !!!
Une image qui n'est pas sans rappeler celle de janvier 1985... Tout comme cette carte des masses d'air à 1500 mètres d'altitude !!!
Février 1895 est glacial et très sec !!! A Paris, où des gelées sont observées chaque jour, c'est le plus froid depuis 1740... Sa température moyenne de -4.5°, inférieure de 8° à la normale, est la deuxième valeur la plus faible après celle de décembre 1879 !!!
Près de Castelet, après les neiges profondes, l'Ariège subit un gel "à fendre les pierres"...
Le 6 février, il ne fait pas plus de -6.4° dans la Capitale !!! Place Saint-Michel, les passants admirent la fontaine monumentale sous ses nouveaux atours...
De curieuses gerbes de glace jaillissent de la gueule des dragons !!!
Très vite, sous le pont de l'Alma, ne coule plus la Seine... C'est l'embâcle complet du 10 au 24 février, l'une des dates les plus tardives jamais enregistrées !!!
Il est tentant de traverser ces étendues blanches... Les plus téméraires s'y risquent, comme ici à Rouen près du pont aux Anglais !!!
... mais ces surfaces sont traîtresses et parfois dangereuses...
Le 14 février, il ne fait guère plus de -7° à Paris !!! Les danois élèvent des palais de glace en plein centre de Copenhague...
... et les anglais se promènent en famille sur la Tamise !!!
Devant les docks de Liverpool, les navires marchands fendent la glace...
... pendant que sur les rivières, l'ingéniosité fait des miracles !!!
En Angleterre, février 1895 est plus froid que celui de 1956 !!! Tower-Bridge, construit récemment, émerge du "smog" givrant au-dessus de la "banquise" londonienne...
... de quoi aiguiser la curiosité des moussaillons !!!
Les grands voiliers cèdent peu à peu la place aux bateaux à vapeur...
Ces conditions exceptionnelles entravent les échanges et perturbent l'activité économique !!! Dans les bras de mer, plus aucun bateau ne peut prendre le large...
A Saint-James Park, les londoniens font contre mauvaise fortune bon coeur...
... et les chutes de West Burton en restent de "glace" !!!
Devant la cathédrale d'Orléans, la Loire n'est plus qu'un amoncellement de blocs gelés...
... et les parisiens patinent à nouveau sous les fenêtres des sénateurs !!!
Début mars, la situation reste hivernale !!! Le blocage perdure...
Le 6 mars, on relève encore -9° à Châteauroux et -8.4° à Paris !!! Voici la carte des masses d'air de la veille à 1500 mètres d'altitude...
Les jardiniers retirent la glace des bassins du Luxembourg qui fragilise les maçonneries...
Nourris par des promeneurs attentionnés, les oiseaux se rassemblent sur les eaux encore libres du bois de Boulogne !!!
Dans les Highlands, les congères ont raison de la progression de ce convoi ferroviaire...
Ce n'est que le 8 mars que le redoux interviendra véritablement en France !!! Une dépression atlantique, accompagnée d'un flux de sud-ouest doux et humide, chasse l'air froid présent sur le continent... Un grand classique !!!
Voici le graphique des températures à Paris Saint-Maur durant cette longue séquence hivernale...
Parmi les autres valeurs remarquables, on a relevé -15° à Nantes, -18° dans le Calvados et -23° près d’Orléans !!! Et que dire de ces 8 mètres de neige cumulés à Mouthe, la "petite Sibérie" française nichée à seulement 935 mètres d'altitude...
HIVER 1899
Nous achèverons ce voyage dans le temps par un pied de nez !!! Je suis "tombé" par hasard sur cette photo de la Seine gelée devant le pont Saint-Michel, datée de 1899... On y voit des blocs de glace et des déchets enchevêtrés !!! Et pourtant, aucune vague de froid de grande ampleur n'est connue pendant cette année-là...
Après "enquête", le coupable est démasqué !!! Pour mener à bien les travaux du Métropolitain, et pouvoir creuser sous le chemin de fer d'Orléans, Monsieur Fulgence Bienvenüe a l'idée de congeler le terrain afin de le solidifier... Une usine est installée sur les berges et injecte dans le terrain une saumure de chlorure de calcium refroidie à -24°C !!! D'où cet embâcle inattendu du fleuve..
Comme quoi une image, aussi belle soit-elle, n'est qu'une vérité !!! Et non "La" vérité... Cela a toujours été le cas !!! En jouant sur la prise de vue ou le cadrage... Mais avec l'évolution de la technique et des outils informatiques, on peut désormais lui faire dire tout, et surtout n'importe quoi !!! C'est pourquoi je prends soin, pour cette étude comme pour les autres, d'écarter tous les clichés douteux, non datés, et à la localisation imprécise... Malgré ces précautions, je compte sur votre attention pour me signaler d'éventuelles inexactitudes !!!
Reynald ARTAUD
Sources : pour les chroniques et les gravures, la revue "l'Illustration" et le journal "Le Progrès" ; pour les données météorologiques, les annales du Bureau central météorologique de France ; pour les photographies, les ressources en ligne ainsi que les collections de la B.N.F. et de la Médiathèque de Toulouse.